samedi 10 mai 2014

Le Vent et le Temps...

"Libre comme le vent,
Léger comme son
Mouvement,
J'irai là où le Temps
Se pose
Pour oublier tous ses instants.
Vaincre le présent
pour lui donner le goût de l'océan,
Capturer l'éternel instant
Pour qu'il se prolonge sans que les vagues
Le précipitent dans le rythme incessant
De l'écume de ses jours renaissants".








Il est nul endroit où aller
qui puisse constituer une faille d'où nous pourrions
nous évader du temps; celui qui constitue l'épanchement de l'infini
dans un espace clos : la forme. (l'eidos).


Certes chaque forme permet à la substance temporelle de suivre
ses propres variations en fonction des contours qu'elle rencontre,
quand la forme fait résistance à son déploiement.


Mais le temps reste le maître en la demeure, l'eidos qui constitue la forme humaine,
et nous restons son serviteur jusqu'à ce qu'il décide d'en
changer la donne.


C'est ici que le Don peut être compris et reçu.


C'est quand le Rien qui n'est autre que la face invisible du Réel
s'offre à nous dans son élan imprévisible et impromptu.


Le temps alors s'inverse puisque la forme ne fait plus résistance mais
défaut ou absence de résistance. La substance temporelle s'empare ainsi de la forme, l'épouse,
en fait sa demeure et se retient du coup elle-même son écoulement. La durée ne
s'apparente plus à un projet (au sens heideggérien) dans lequel le sujet serait en avant de lui, comme
voué à son advenir sur le mode du futur antérieur. Il devient le sujet, l'élu du temps, qui est celui qui accompagne son déploiement  à partir de la nouvelle demeure qu'il incarne pour lui.


Cette demeure néanmoins ouverte aux quatre vents par lequel le temps inaugure ses
orientations, fait de l'Homme un sujet imprévisible et indescriptible. Pour le dire autrement, il devient un être libre, dépouillé de sa subjectivité c'est-à-dire de sa relation objectale qui l'enchainer à sa condition ontique. Le renversement de son rapport au temps le conduit à tourner le dos à la réalité pour faire face au réel, ce qui peut éclairer une lecture revisitée de Kierkegaard nommant l'homme qui ramait dos au rivage.
 L'espace devient le terrain de jeu du temps et le sujet n'est plus l'être-au-monde ou auprès-du-monde
mais l'être-auprès-du-réel. Le Réel auquel s'adosse le monde et ses projets inauthentiques.


Le poète d'Ailleurs, revenant d'une contrée dont il a oublié le nom et le lieu, parle de ce temps
qui peut faire irruption et chambouler le langage dans sa circularité bien huilée et rythmée, dont sa chaîne, signifiante,  se fait chaque jour plus grande, en accueillant dans la farandole des mots, davantage de signes, de signifiés et de signifiants. Le vocabulaire de l'homme à la mesure de son accroissement en signes, concepts et sons, ne fait en fait qu'appauvrir son rapport au monde. Car la chaîne ne cesse  de s'alourdir en accueillant sans cesse des éléments qui se dupliquent sous le mode de la contrefaçon d'originaux verbes qui se trouvent être recouverts par le dépôt de "ses mots atrophiés par le jeu du divertissement du langage". L'on oublie un peu trop facilement que la roue des mots pour tourner et prendre de la vitesse doit trouver son rythme c'est-à-dire son mouvement, sa vitalité, grâce au temps. Le temps est le seul, tel le vent qui souffle sur la girouette, agite pour faire vibrer les cordes de sa Lyre qui fait résonner en seconde instance  les mots protégés dans la chair du logos. Cette chair invisible qui les abrite de la tempête (car le vent peut souffler fort), leur donnant le Sens qu'ils méritent.

Le poète n'a de cesse que de réinjecter dans la chaine signifiante des mots, du sens au nom du Réel, en interrogeant le Temps sur ses intentions pour l'Homme. Le poète est le trait d'union entre le réel et l'homme, quand le temps se fait l'interprète des deux. Aussi, le médian, faisant médiation et interface entre deux mondes hétérogènes (le réel et la réalité), qu'il soit poète qui parle le langage du vent et du temps ou que ce soit le temps lui-même (dans son irruption violente), procède par image.  De ce fait, il projette l'homme dans le monde de la duplicité, du double et du miroir déformant. Ce manquement est le prix à payer tant qu'il y aura des termes faisant fonction de médiation et tant que le Réel se dissimulera sous sa parure pour mieux nous protéger de sa fougue et de sa "folie".  Le double fait de nous des êtres séparés de nous-mêmes, des autres de l'Autre, du monde, des dieux, et de ce fait des êtres d'une temporalité scindée, qui se fonde sur le mode de la présence-absence.


Le poète ne fait que s'appuyer sur le mode de la présence-absence pour revenir à la source du temps et témoigner du Réel qu'il contemple à loisir par la fenêtre du Temps, pour nous en dire un peu plus sur Lui.