mercredi 30 novembre 2016

Une pluie d'été




Nos souvenirs d'enfant sont là pour nous raconter que la Vie mérite d'être ...

                Une pluie d'été


Mots emportés par la pluie d'été,...
Leurs chants venaient de cogner à ma fenêtre.
  

Leurs sons encore séparés des lettres,
Avaient donné à leur manteau de gouttelettes,
L'épaisseur  du Vide  tant désiré.



Je me laissai emporté par leurs larmes ruisselantes,
Qui toutes nues
Coulaient verticalement
Sur le minéral transparent.
Sans retenue
Leur volupté déconcertante
Me contait leur voyage d'âmes errantes.



J'aurais voulu toutes les suivre dans leur doux mouvement,
Goûter leur joie de s'écouler  libres et sans attente.

Qu'avait donc à me conter l'eau du ciel, portée par les vents,
Elle qui avait choisi de venir frapper à ma fenêtre d'enfant ?

Qu'avait-elle à chanter, à me dire sur le monde que j'interrogeais insouciant ?
Qu'avais-je à entendre d'elle, elle qui avait semé sur la surface troublante de mon carreau tremblant,
Des étoiles d'eau nues, devenues folles, s'éclaboussant de lumières,
Dans l'été frémissant ?


Je décidai d'ouvrir grand mes rideaux
Respirer l'air que ma fenêtre prête à voler en éclats de joie,
Me sommait de laisser entrer dans ma chambre
Avant que le passé fasse disparaître
l'ombre de leur passage d'ambre
Doux comme la soie d'un corps d'ange en émoi.


Je sentais déjà en moi l'Appel du présent
S'engouffrer dans la brèche d'une prison
Dont les murs n'attendaient
plus que l'ébranlement
D'un ouragan rassurant,
Mais assez fou pour avec lui
M'emporter.


C'est alors qu'à ce moment précis,
Je sentis pour la toute première fois,
Une peau de pluie abritée dans un écrin de Vent,
Souffler sa tempête sur ma petite vie
Dispersée aux quatre vents.


J'étais vivant,
Peut-être étais-je même né une seconde fois,
Libéré enfin du souvenir et du sentiment d'Avant.
Un seul temps dépouillé des autres
Avait fait de moi le Prince du présent.

Qu'avais-je donc à lui raconter,
A cette belle d'un jour de juillet
Qui recouvrit de sa rosée
Mes joues roses d'été ?


Celle qui me quittera en laissant d'elle
Un souvenir de  traversée,
Sous un ciel transparent,
Dont le rose sang tout étonné
De voir mes joues succomber
A son baiser rouge passion.


Je l'avais rencontrée pour le meilleur et pour le pire,
Rencontrer ce que ma dernière heure
M'aurait jamais pardonner,
Retrouver dans le goût de ses lèvres
Le souvenir d'un amour effleuré.

J'ai rêvé ses lèvres,
Et la pluie cognait, ruisselait
A ma fenêtre…
Je m'endormis dans l'écho musical de ses lettres,
Certain que l' Amour ne serait plus un rêve,
Que demain serait le voile
Qui se lève
Sur toi.




                                                                 
                                         Souvenirs d'enfant, Une pluie d'été, Philippe David Belardi.



vendredi 5 août 2016

Lumière


Lumière.


Puisque je ne suis presque rien devant toi, 
Lumière,

Depuis que tu ouvres et refermes mes paupières,

J’attendais de toi au moins toi un signe, un geste, pour me faire,

Ton prince, ton roi, celui que tu voudras,

Qui t’accompagne Dieu sait là où tu vas.


Je sais bien que tu n’emportes rien avec toi,

Dans tes voyages sans toits,

Aux trajectoires vagabondes. 

Mais sur moi tes lèvres ont déposé ta sève  

Qui agite les eaux profondes

Et embrase la surface des rêves.


Tu me désertes

Comme je te désire,

Tu me quittes de ton pas alerte

Dès qu’il te faut partir,

Et mes poèmes en pures pertes 

Se perdent en mots inertes

Que tu renonces à lire.



Capturé dans tes filets translucides

Aux mailles d’air et de chrysalide,

Tu m’as rejeté comme un poisson à la mer,

Moi qui avais franchi le cap de ton invisible chair,

Fier de mes écailles étincelantes de soirée.


J’avais cru trouver un costume de taille

Pour te faire rêver,

Une belle parure qui effacerait mes failles, 

Pour te retarder,

Mais rien ne s'opposa à ce que tu t’en ailles 

pour me laisser,

Succombant à l’Appel de la traversée.


J’espérais pourtant t’arracher ce petit bout de toi

Qui fait que je suis homme et pas toi,

Celui que tu portais autour de ton cou,

Quand de l’autre côté de la nuit,

Tu m’as montré pour la toute première fois,

Le jeu des ombres perlées de pluie.



                                                                 J’ai longtemps souhaité de toi 

   Ce petit souvenir,

Qui me dirait quelque chose de ton désir : 

    Comment te retenir.


Et tu m’as donné ce quelque chose,

En échange de mon impétueux désir :

Ton précieux reflet prisonnier d'une rose,

Qui ne s’ouvre qu’à l’aube du Zéphyr.

Il fallut que je l’entende,

Le vent de bouche, me soufflant ta voix,

Que patiemment je l’attende  

Un petit matin à l’orée du bois.

Quand les branches des arbres tremblent

Qu'il ne reste que toi

Dans l'espace d'une seconde pour te plaire,
                                                           
                                                           Et me saisir de ma plume légère,

Pour écrire ce que je sais de toi.


Ton histoire,

Lumière qui se regarde dans le miroir

Qu’elle traverse,

Devant le poète, photographe de l'âme en détresse, 

Qui capture cet instant

Avant qu'il ne disparaisse.




  

      Philippe David Belardi. Lumière, Le miroir des âmes. 2016. 

jeudi 7 juillet 2016

Tourtour


TOURTOUR


Village perché au cœur du Ciel,

Tes nuages d’ailes

Sont les seules empreintes

D’un papillon qui sans crainte,

Toucha tes cimes de dentelles.


Tu nous a laissé pour seul emblème

Ce corps de bronze et de Reine,

Qui du haut de son royaume aquarelle, 

Veille sur le souffle créateur,  protègeant du temps ta citadelle.  


    Car le ciel t’a promis,
    Pour avoir prêté asile
    Au  papillon courageux et agile, 
    Sculpté dans sa lumière infinie,
    D’être désormais du Temps, et à jamais, affranchi.

                                          Tourtour,
          Ta sentinelle vers le ciel élancée,
          Protège comme personne l’hirondelle seule et égarée,
           Des plus téméraires  et dangereux vautours,
           Comme de tous ceux qui menacent un jour, ta beauté.

L’espace que tu as su dérober au temps
Te dévoile à nous, lentement,
Au détour d'une place, d'une fontaine ou d'un banc,
Dans ta pure tranquillité, où se repose en secret le présent. 


Tu détiens le secret de faire naitre le second silence,
Celui capable de remplacer nos douleurs
Par le chant de l’Espérance , 
Qui suit la mélodie discrète des profondeurs du coeur.

                                  C'est de là,

Que tu appelles à toi  les artistes, les poètes, les troubadours
Qui ont fait tremblé ta terre, depuis toujours.
Depuis que tu es le seul à comprendre le peintre désenchanté,
Prêt à tout pour s’approcher,
De la flamme qui anime ses dessins, ses couleurs, pour les faire danser.


Tourtour,
Un village qui restera fidèle,
Au peintre et à sa main rebelle,
Poursuivant la courbe de son pinceau glissant sur sa toile voutée,
Coloriant comme lui, le tréfonds du ciel,
Pour retenir de Lui, tout ce qu'il nous a patiemment enseigné.

A mieux regarder, pour prétendre un jour te voir,  
A mieux distinguer le blanc du noir,
Quitte à soulever le voile qui nous sépare,
 pour t'apercevoir toi, Tourtour,
Dans l'éclat de ton merveilleux bleu du soir.


                                                                     Philippe David Belardi, Tourtour, Un été, 2016.

  A Bernard Buffet et au village de Tourtour.

(1) Bernard Buffet, le peintre qui, des formes ensevelies sous la poussière de l’être, nous révéla la lumière qui s’y cachait, nous faisant progressivement redécouvrir sa nature  afin que nos yeux fragiles ne succombent pas à sa force prodigieuse et démesurée.

Il maniait comme tous les autres génies de la peinture ou de la sculpture, l’art de retenir la Lumière pour nous la rendre visible, sans danger  pour nos yeux inéduqués, inaptes à résister à son déploiement.

lundi 27 juin 2016

Silence




 

J’écris la lumière sur des pierres,


Des nénuphars, des bulles d’air,


Sur des ardoises d’écoliers,

Des espaces, que nos yeux ont manqués.


Rien ne résiste à mon fusain scalpel,

Qui scrute et sculpte la dentelle

Des corps fragiles

Aux bords tranchants,

De son encre indélébile   

Et invisible pourtant.


Mon pinceau agile, agite leur surface,

Pour les réveiller, les ressusciter, leur donner une place.

Je connais comme personne,

L’alphabet qui fait fondre les glaces,

Trembler le ciel aphone

Quand mes mots le résonnent.


Quand mon feutre amoureux

Ravive son moindre bleu,

Qu'il maquille sa face pâle,

Blanchit son gris ravageur,

Colorie son manteau étale

 De sa plus belle couleur.


Je le secours même quand il m’appelle,

Quand perdu dans ses profondeurs, 

Il implore depuis sa  fenêtre pastelle,

Son soleil consolateur.


J’écris aussi pour le mendiant,  le misérable,

Bafoués  par nos très honorables,

 Qui du haut de leurs creuses estrades,

Nous ont nourris de leurs belles fables.  


J’écris toujours au présent,

Pour les corps que le temps ravage,

Quand il les emporte au grand large, 

Pour les disperser au gré des quatre vents.


J’écris pour que rien ne soit oublié,

Du premier frisson au dernier baiser,

Pour que tout ce qui fut un jour éprouvé,

Ne soit à jamais et pour toujours sauvé.


Pour qu’une seule larme versée

Illumine un peu plus le soir tamisé,

Rafraichisse les déserts assoiffés,

Enivre les mondes les plus desséchés.

Pour que la plus timide des caresses,

Calme l’angoisse,  retarde la paresse,

D’un univers habilement voilé,

Derrière son plus grand secret.


J’attire alors à Lui,

Par le mouvement des marées,

Par le flux et le reflux de mes pensées,

Ce que le lit des mots à la surface a rejeté.

Poussière d’étoiles, poudre de lumière,

J’allumerai partout le feu sur terre,

Afin que la Vie consente à s’y plaire,

Toute captée par le reflet de sa lumière.


Ma prose faite de flamme, de lettres de lave calcinée,

Trouvera la moindre faille pour s’y glisser,

Celle que le  mystère nous a un jour laissée,

Pour faire surgir du passé les dieux enfuis ou cachés.

Elle fera danser les démons, sur des rythmes endiablés,

Les soumettra au feu du verbe tout puissant qui les a créés.

Elle nous accompagnera tous vers la source du temps, dissimulée,

Là où s’abreuvent la terre et la sève de l’arbre oublié.


Mes mots sont une flèche embrasée

Qui ne manque jamais sa cible,

Pas même la parole qui nous éloigna 

De notre chemin, imperceptible.

Le feu qu’elle transporte,


Assurément la touchera,


Porté par les courants compatissants du vent,


Par les forces orageuses des cieux,


Il est l’éclair qui captive nos yeux


La foudre qui abolit le temps. 


 J’écris enfin, pour que mon cri gronde,

Pour que le silence  me réponde, 

Dans sa voix d’outre-tombe

Qui déchirerait l’ombre, d’un ciel d’Etretat.


  Un premier mot,

Contre un premier pas,

Un petit peu monde

Pour me blottir dans ses bras.

Je ne veux que toi,  Silence,

Que tu sois le premier, le dernier pour moi.

Je veux m’oublier dans ton cœur immense,

Que la poésie avait préparé de ses pas,

Par sa seule et douce  prescience

Qui n’attendait que  toi.


                                                                          Philippe David Belardi,  Silence, 2016.


                                                                                    

dimanche 10 avril 2016

Le colibri et la Montgolfière



La taille du colibri ne pouvait pas rivaliser avec celle de la Montgolfière.
Et très vite, le petit oiseau-mouche se mit à envier ce mastodonte des airs qui d'ailleurs ne se retrouvait jamais seul, puisqu'il emportait  toujours avec lui quelques personnes dans son voyage. Le petit oiseau n’avait d’ailleurs jamais vu la montgolfière quitter son sol toute seule, sans la présence de ses invités.
 








Le colibri, petit et solitaire, rêvait donc devenir une montgolfière, non pas un autre oiseau qui aurait pu mériter l'admiration, comme l'aigle royal, l'hirondelle ou le faucon, mais bien une montgolfière. Elle, avec sa hauteur qui lui donnait du prestige, sa grosse tête ronde qui lui donnait l'allure d'une reine, et sa nacelle qui emportait avec elle ses plus beaux admirateurs pour les faire voyager dans le ciel, il n'avait pas eu l'ombre d'un doute : c'est à elle qu'il aurait voulu   ressembler.
Bien sûr, un oiseau ne pouvait pas se changer en une pareille majesté des airs, et le colibri le savait bien. Mais il voulait à tout prix tenter sa chance auprès d'une magicienne, car son rêve ne parvenait plus à masquer la tristesse de la réalité.
 

  Il avait entendu parler de cette magicienne qui avait l'art des incantations et des potions magiques. Elle était parvenue soit disant à transformer des moineaux en tourterelles, des pigeons en albatros ou des pies en flamants roses, c'est vous dire l'envergure de son art et de son pouvoir à manier comme personne, la métamorphose des désirs en réalités. Mais de là à transformer un oiseau en montgolfière, il ne fallait quand même pas  exagérer !


 En même temps, le colibri comptait bien sur l'orgueil et la vanité que toute personne puissante cultivait en elle dans le plus grand secret, et la magicienne ne devait pas échapper à cette règle. Il lui suffirait donc de la provoquer voire de la défier de la sorte : - "Toi la grande magicienne, toi la belle et grande Corneille, ne me dis pas que tu es incapable de me changer en montgolfière".
C'est ainsi que le colibri se rendit chez la magicienne, mais ne possédant aucun cadeau pour s'acquitter de ses précieux services, il se dit qu'une fois exaucé son rêve, il pourrait toujours vanter son talent partout où il irait, faisant de la magicienne la plus grande des fées. Voilà ce qui encouragerait sans nul doute  la Corneille à l'écouter.

  La Corneille en effet, n'en cru pas ses oreilles, d’entendre ce minuscule oiseau lui demander l'impossible en jouant sur ses prétendus vices et ses dons cachés. Mais piquée au jeu de ce polisson qui réclamait l'insolite et la défiait, elle exauça son vœu et le transforma en ce qu'il avait souhaité.

Car la magicienne était vraiment magicienne, et son talent dépassait vraiment l'impensable, surtout quand le désir de son invité était très sincère. Même si ce qu'il souhaitait n'était pas toujours profitable pour lui. En tous cas, s'il le voulait intensément, la moitié du travail était déjà fait.
 



En un coup de baguette  magique, le petit colibri fût donc transporté au beau milieu du champ où il venait habituellement contempler la montgolfière, celle qu’il admirait depuis si longtemps. Mais il ne vit rien autour de lui, puisque du haut maintenant de ses quinze mètres, il toisait maintenant ce bas monde. Cependant, il ne pouvait rien faire face aux quelques badauds qui entraient sans sa permission dans sa maison devenue nacelle, pour toucher ses membres qui s'étaient tous transformés en commandes de vol. Impossible de pousser un cri, impossible de bouger, le colibri devenu montgolfière était d'un seul coup soumis à leur bon vouloir. S'il fallait décoller pour voler, c'était à eux d'en décider, quant à la destination ou à la durée du trajet, c'est eux qui choisiraient. Il ressentit alors comme des larmes lui monter au bord des yeux, mais ce n'était que la chaleur du gaz qui venait gonfler sa tête transformée en ballon,  annonçant l'imminence de son décollage. Il était devenu un parfait automate géant, à la merci de fourmis humaines qui l'utiliseraient comme un vulgaire pantin aérien. Ce n'était pas lui qu'on regarderait mais les paysages vus d'en haut. Ce n'est pas lui que l'on remercierait pour la beauté du voyage, mais le pilote qui aurait su manier ses membres de toiles et de cordages.

 Mais le colibri devenu montgolfière, aperçut à sa plus grande stupéfaction, avant de quitter le sol et de s'élever dans le ciel, un petit oiseau noir au bec long et frétillant. Ce petit oiseau qui  sautait de joie en permanence, était suspendu à un fil invisible qui lui donnait l'air de voler en faisant du surplace, comme si l’espace se mesurant au temps,  permettait à ce virtuose du ciel, de savourer sur terre l'instant et l'endroit qu'il s'était choisis.  C'était donc lui, ce petit oiseau-mouche,  qui décidait de son lieu, même si son aspect chétif lui donnait l'air d'être fragile autant que paniqué. C’est en regardant ce tableau insolite, que l’oiseau transformé en Montgolfière comprit d'un seul coup, que la magicienne avait permuté  leurs places, que l'oiseau libre et léger qu'il regardait, c'était lui, avant qu'il ne devienne une montgolfière, une Reine des airs transformée en machine, sans le moindre battement d’ailes ni le moindre soupçon de battements de cœur.


Epilogue



Le sol se déroba sous ses pattes transformées en  plancher, et l'oiseau devenu montgolfière s'éleva tant bien que mal en titubant, cherchant péniblement l'appui d'un vent favorable. C'est un peu comme s'il avait été shooté à l'hélium ou à l'excès de métamorphose. Il avait l'impression d'être comme l'albatros de Baudelaire qui ne parvenait plus à quitter le sol tant ses ailes étaient trop grandes.



Pas un seul regard ne se posa sur lui, ni un seul geste de réconfort ou d'encouragement ne fût consenti à son égard, si ce n'est l'attention inattendue du colibri qui l'accompagnait maintenant dans son périple solitaire. Le colibri aussi petit fût-il, semblait volait bien mieux en altitude qu’auprès du sol, s'amusant à faire des piquer et des loopings comme pour épater la galerie. L'oiseau-montgolfière au contraire, lui, s’acharnait tant bien que mal à braver les vents et les lois de l’apesanteur, lui qui s'était empâté dans un costume de clown trop grand et bien trop lourd pour lui. D’ailleurs, ce voyage lui sembla être le plus long de sa vie, et il eut pour la première fois, contre toute attente,  le mal de l'air.


A peine reposés sur la terre ferme, que ses passagers invités de force, l'abandonnèrent, en emportant de lui deux ou trois photos volées de lui, comme trophée de voyage. Attendrait-il le prochain voyage qu'il redoutait déjà comme une torture ? Valait-il mieux se contenter de cette longue attente, où cloué au sol, il contemplerait les autres oiseaux  s’envolaient vers leur liberté ?

Le petit-oiseau, son compagnon-voyageur de tout à l’heure, s'était posé maintenant à quelques battements d'ailes de lui tandis que lu, l’oiseau-montgolfière, se mettait tout à coup à regretter son acte, celui qui l’avait conduit à la magicienne. Il désira redevenir le colibri libre, léger et imprévisible comme le vent, celui qu'il avait toujours été. Mais le sort était lancé et rien ne pouvait jamais plus redevenir comme avant.



Pourtant dans le silence pesant de sa tristesse, un cri soudain et strident déchira le ciel et la toile de sa belle et grande voilure. Un cri phénoménal sortit du bec du petit colibri, le petit oiseau qui l’avait accompagné dans la solitude d’un vol désespéré. Ce petit oiseau qui après voir déchiré le ciel de son cri, commença à   changer de forme sous ses yeux ébahis,  à grossir, puis comme par enchantement, à se transformer en une merveilleuse et brillante corneille noire.


La magicienne venait donc de réapparaitre à travers le colibri,  brisant le sort qu'elle avait jeté. D'un cri perçant la poitrine de la montgolfière, elle libéra l'oiseau qui s’était emprisonné dedans.


L'oiseau reprit donc par magie, sa forme de colibri, échappant du même coup à la montgolfière et à sa triste destinée. Le colibri remercia de tout son cœur et de toute son âme de petit d’oiseau la Corneille, pour la leçon que son sort lui fît apprendre. Comme quoi, la place de l'autre n'était pas toujours si enviable que ça, de même que n'était pas le plus sage, celui qui croyait l'être.

La corneille lui demanda cependant en guise de remerciement, de lui faire une promesse, une promesse  que bien évidemment l'oiseau-montgolfière redevenu colibri, accepta et tiendrait.


 
                                                                       

- "Je n'attends pas de toi, petit colibri que tu me sois redevable ou que tu me fasses de la publicité. Mais je veux en revanche que tu t'engages, quel que soit les pays vers lequel tes ailes te porteront, à parler de ce petit oiseau qui avait confondu la grandeur et l’apparence, ce qui attire l'œil, de ce qui l'empêche de voir vraiment. Tu parleras de ce petit oiseau qui s'est cru misérable alors qu'il était le plus chanceux, de ce petit oiseau qui rêvait de ressembler aux autres parce qu'il n'avait jamais pris le temps de se regarder pour se découvrir. Pour s’apprécier et pour s’accepter. Oui promets- moi de témoigner de ce petit oiseau solitaire qui se sentit si seul et si mal aimé, que pour échapper au froid de sa solitude, il voulut pour se réfugier dans le ciel le plus haut, échanger ses ailes contre un vulgaire manteau ».

Philippe David Belardi,  Le colibri et la MontgolfièreContes pour petits et grands enfants, 2016.