J’écris
la lumière sur des pierres,
Des nénuphars, des bulles d’air,
Sur des ardoises d’écoliers,
Des espaces, que nos yeux ont manqués.
Rien ne résiste à mon fusain scalpel,
Qui scrute et sculpte la dentelle
Des corps fragiles
Aux bords tranchants,
De son encre indélébile
Et invisible pourtant.
Mon pinceau agile, agite leur surface,
Pour les réveiller, les ressusciter, leur donner une
place.
Je connais comme personne,
L’alphabet qui fait fondre les glaces,
Trembler le ciel aphone
Quand mes mots le résonnent.
Quand mon feutre amoureux
Ravive son moindre bleu,
Qu'il maquille sa face pâle,
Blanchit son gris ravageur,
Colorie son manteau étale
De sa plus
belle couleur.
Je le secours même quand il m’appelle,
Quand perdu dans ses profondeurs,
Il implore depuis sa
fenêtre pastelle,
Son soleil consolateur.
J’écris aussi pour le mendiant, le misérable,
Bafoués par
nos très honorables,
Qui du haut
de leurs creuses estrades,
Nous ont nourris de leurs belles fables.
J’écris toujours au présent,
Pour les corps que le temps ravage,
Quand il les emporte au grand large,
Pour les disperser au gré des quatre vents.
J’écris pour que rien ne soit oublié,
Du premier frisson au dernier baiser,
Pour que tout ce qui fut un jour éprouvé,
Ne soit à jamais et pour toujours sauvé.
Pour qu’une seule larme versée
Illumine un peu plus le soir tamisé,
Rafraichisse les déserts assoiffés,
Enivre les mondes les plus desséchés.
Pour que la plus timide des caresses,
Calme l’angoisse,
retarde la paresse,
D’un univers habilement voilé,
Derrière son plus grand secret.
J’attire alors à Lui,
Par le mouvement des marées,
Par le flux et le reflux de mes pensées,
Ce que le lit des mots à la surface a rejeté.
Poussière d’étoiles, poudre de lumière,
J’allumerai partout le feu sur terre,
Afin que la Vie consente à s’y plaire,
Toute captée par le reflet de sa lumière.
Ma prose faite de flamme, de lettres de lave
calcinée,
Trouvera la moindre faille pour s’y glisser,
Celle que le
mystère nous a un jour laissée,
Pour faire surgir du passé les dieux enfuis ou
cachés.
Elle fera danser les démons, sur des rythmes
endiablés,
Les soumettra au feu du verbe tout puissant qui les
a créés.
Elle nous accompagnera tous vers la source du temps,
dissimulée,
Là où s’abreuvent la terre et la sève de l’arbre
oublié.
Mes mots sont une flèche embrasée
Qui ne manque jamais sa cible,
Pas même la parole qui nous éloigna
De notre chemin, imperceptible.
Le feu qu’elle transporte,
Assurément la touchera,
Porté par les courants compatissants du vent,
Par les forces orageuses des cieux,
Il est l’éclair qui captive nos yeux
La foudre qui abolit le temps.
J’écris enfin, pour que mon cri gronde,
Pour que le silence me réponde,
Dans sa voix d’outre-tombe
Qui déchirerait l’ombre, d’un ciel d’Etretat.
Un premier
mot,
Contre un premier pas,
Un petit peu monde
Pour me blottir dans ses bras.
Je ne veux que toi, Silence,
Que tu sois le premier, le dernier pour moi.
Je veux m’oublier dans ton cœur immense,
Que la poésie avait préparé de ses pas,
Par sa seule et douce prescience
Qui n’attendait que toi.
Philippe David Belardi, Silence,
2016.