lundi 27 juin 2016

Silence




 

J’écris la lumière sur des pierres,


Des nénuphars, des bulles d’air,


Sur des ardoises d’écoliers,

Des espaces, que nos yeux ont manqués.


Rien ne résiste à mon fusain scalpel,

Qui scrute et sculpte la dentelle

Des corps fragiles

Aux bords tranchants,

De son encre indélébile   

Et invisible pourtant.


Mon pinceau agile, agite leur surface,

Pour les réveiller, les ressusciter, leur donner une place.

Je connais comme personne,

L’alphabet qui fait fondre les glaces,

Trembler le ciel aphone

Quand mes mots le résonnent.


Quand mon feutre amoureux

Ravive son moindre bleu,

Qu'il maquille sa face pâle,

Blanchit son gris ravageur,

Colorie son manteau étale

 De sa plus belle couleur.


Je le secours même quand il m’appelle,

Quand perdu dans ses profondeurs, 

Il implore depuis sa  fenêtre pastelle,

Son soleil consolateur.


J’écris aussi pour le mendiant,  le misérable,

Bafoués  par nos très honorables,

 Qui du haut de leurs creuses estrades,

Nous ont nourris de leurs belles fables.  


J’écris toujours au présent,

Pour les corps que le temps ravage,

Quand il les emporte au grand large, 

Pour les disperser au gré des quatre vents.


J’écris pour que rien ne soit oublié,

Du premier frisson au dernier baiser,

Pour que tout ce qui fut un jour éprouvé,

Ne soit à jamais et pour toujours sauvé.


Pour qu’une seule larme versée

Illumine un peu plus le soir tamisé,

Rafraichisse les déserts assoiffés,

Enivre les mondes les plus desséchés.

Pour que la plus timide des caresses,

Calme l’angoisse,  retarde la paresse,

D’un univers habilement voilé,

Derrière son plus grand secret.


J’attire alors à Lui,

Par le mouvement des marées,

Par le flux et le reflux de mes pensées,

Ce que le lit des mots à la surface a rejeté.

Poussière d’étoiles, poudre de lumière,

J’allumerai partout le feu sur terre,

Afin que la Vie consente à s’y plaire,

Toute captée par le reflet de sa lumière.


Ma prose faite de flamme, de lettres de lave calcinée,

Trouvera la moindre faille pour s’y glisser,

Celle que le  mystère nous a un jour laissée,

Pour faire surgir du passé les dieux enfuis ou cachés.

Elle fera danser les démons, sur des rythmes endiablés,

Les soumettra au feu du verbe tout puissant qui les a créés.

Elle nous accompagnera tous vers la source du temps, dissimulée,

Là où s’abreuvent la terre et la sève de l’arbre oublié.


Mes mots sont une flèche embrasée

Qui ne manque jamais sa cible,

Pas même la parole qui nous éloigna 

De notre chemin, imperceptible.

Le feu qu’elle transporte,


Assurément la touchera,


Porté par les courants compatissants du vent,


Par les forces orageuses des cieux,


Il est l’éclair qui captive nos yeux


La foudre qui abolit le temps. 


 J’écris enfin, pour que mon cri gronde,

Pour que le silence  me réponde, 

Dans sa voix d’outre-tombe

Qui déchirerait l’ombre, d’un ciel d’Etretat.


  Un premier mot,

Contre un premier pas,

Un petit peu monde

Pour me blottir dans ses bras.

Je ne veux que toi,  Silence,

Que tu sois le premier, le dernier pour moi.

Je veux m’oublier dans ton cœur immense,

Que la poésie avait préparé de ses pas,

Par sa seule et douce  prescience

Qui n’attendait que  toi.


                                                                          Philippe David Belardi,  Silence, 2016.