La Nuit
Faut-il qu’il y ait toujours des
rythmes, des syllabes et des secondes,
Pour que le monde enfin me réponde ?
Quand mes questions frappent à sa
porte sans qu’il daigne entendre,
Que derrière le bois imposant de sa
porte scellée,
Les verres chauds s’entrechoquent
dans le rire de ses invités ?
Mais la nuit était si claire et ses
étoiles de si bonne humeur,
Que je les regardai depuis leurs
pieds d’estales pour tenter de les attraper.
Plus éloignées qu’un monde
imaginaire,
Plus proches que ma poitrine sur mon cœur,
C’est sans peur que je pris dans
mes doigts la première,
Qui tomba à mes souliers.
Leur plainte se mit alors à résonner,
Pour guider mes pas timides vers elles,
Éclairant de leur lumière, la plus fidèle,
Les détours sinueux de leurs sentiers.
Car ce soir la chance m’avait
invité à rejoindre le Ciel,
A pourfendre l’immense espace qui
échappe au passé
D’un monde encore à sa fête, et pourtant déjà oublié.
Philippe Belardi, Nuit, 2012.
Nos deux mains
Tout près de la cheminée
défaillante, les bois de chênes fondaient
Dans le rythme lent des flammes
vacillantes aux cendres rouges orangées.
Calme, je me reposais dans
l’épaisseur d’un fauteuil de flanelle,
Quand ma main dans la sienne
s’abandonnait dans son étau charnel.
Je la laissais quitter mon corps
afin qu’elle ne m’appartienne plus,
Et danse dans une autre au
rythme immobile d’un silence étendu.
C’est pourtant de leurs formes
familières, que jaillit une inconnue
Qui me fit d’un coup découvrir le
monde que j’avais aperçu.
Ecrin de velours pour deux
âmes, lassées de trop longs voyages,
Qui dans le rose satiné
retardaient leurs inexorables naufrages,
Trouvèrent refuge dans la
chair partagée de deux mains enlacées.
Providence terrestre au cœur d’un
désert évidé,
Les âmes y déposèrent l’Amour
qu’elles avaient patiemment transporté.
Il y a des évènements que le
Ciel ne peut ignorer
Quand il succombe, à la
beauté de ce qu’il a créé.
Ce soir, tout près de la cheminée
éclatante, il contemplait
L’innocence de deux mains offrant le
spectacle le plus insensé.
Philippe Belardi. 2012.
Les Formes qui ne parlaient pas.
J’aime les formes qui ne parlent pas,
Quand la lumière dépose sur
leur surface,
La promesse d’un espace, la
découverte d’une trace.
Quand le prodige du reflet, la
donation du miroir,
Me donnent à voir le Monde
Dans son plus minuscule détail,
Ou que dans sa moindre faille,
Me font apercevoir dans leur
pénombre
Les prémisses du chemin vers le
Grand soir.
J’aime les formes qui ne parlent pas.
Dieux cachés ou enfouis sous
la poussière,
Le souvenir atteste dans l’éclat de
sa lumière
Le rêve insensé de vous retrouver
tous ici-bas.
Si votre silence est l’espace dans
lequel vous parlez,
J’irai écouter dans les profondeurs
du vide et de l’absence,
Suivrai le moindre petit indice,
votre moindre défaillance,
Pour vous faire sortir de votre
cachette, de votre Palais.
J’aime les formes qui ne parlent pas.
Et dans le plus minuscule reflet du
monde,
Dans le plus insignifiant de ses
éclats,
J’ai vu que dans le jeu de vos ombres,
Dans l’infime trace de vos pas,
Toutes, vous m'attendiez.
Philippe Belardi, 9 Mai 2013
Songe
Par les souvenirs qui traversaient
les âges,
J’aperçu dans l’espace blanc d’une
seule page,
Une forme qui dans sa pure
transparence,
Fît naitre devant moi le
premier silence.
Tous mes sens captés par le mystère
Se détachaient de ma chair libérée,
Plus légers qu’une aile voyageant
dans l’air,
Quittant le sol sans vouloir
rien emporter.
Dissous dans l’espace blanc de ce
silence,
Mélangé dans les couleurs du passé,
Le mouvement prit dans sa force intense,
Le dernier souffle qu’en Moi je
retenais.
La lumière blanche traversa la seule
page
Que l’existence, avait cru laissée
vierge,
Pressée de rejoindre au plus vite la
berge,
Pour fuir le tourment de ses grands
ravages.
Mais quelque chose restait pourtant présent,
Portant la marque de l’étrange
filagramme,
Sur la délicate page
emprisonnant
Le fossile de l’homme, et de sa
pauvre âme.
Je tentais vainement de les libérer
De leur étrange sanctuaire de papier,
Mais une douce voix me dit que c’est
le Temps
Qui les figea dans un acte consentant.
C’est ainsi que par le jeu du
hasard,
L’existence soumise aux
caprices du temps,
Et au désir éternel de son regard,
Fit de l’Art
son éternel présent.
Le Songe, Philippe Belardi, 2012.
L’Eldorado
C’est Transi de froid, que je
trainais mes pauvres pas
Sur des chemins glacés privés
d’équilibre,
Laissant mes pieds inquiets perdus
dans l’embarras,
Sans l’aide d’un guide qu’ils
auraient pu suivre.
Destinés à risquer les immenses
précipices,
A me perdre dans le sombre des
grandes verticales,
Je n’espérais plus rien à moins que
ne se brise,
Mon corps fatigué sur les rochers de
cristal.
Mais à caresser le reposant froid
des banquises,
A Retarder le pâle cortège de ses
hantises,
La cassure tomba nette sur ma
nuque frêle,
Comme le couperet qui s'abat sur
la dentelle.
Mais le ciel horrifié m’offrit une
seconde chance,
M’éloignant des faux-séduisants et rassurants sentiers,
Qui ne méritaient ni respect
ni obéissance,
A l’égard des tristes hommes
qui les avaient tracés.
Sans crainte je coupai à travers
champs, pour rejoindre
Les hautes montagnes aux cimes
flottantes, blondes et colorées.
Prenant congé de mes derniers doutes
évaporés,
C'est dans la lumière frémissante d’un
soleil à peindre
Que je découvrais l'espace doré
Des toiles de lin au parfum de
vahiné.
Philippe Belardi, 2012.
Le Poète
Vous a-t-on parlé, de cet être
indéfinissable
Exilé aux confins des espaces les
plus reculés,
Purgeant en solitaire la peine à
perpétuité
Qu’il avait sollicitée pour sauver
son semblable ?
Qu’à cela ne tienne lui rétorquait
la voix du ciel,
Si tu veux réussir là où j’ai par
deux fois échoué.
Ce n’est pas ta prétention qui
pourrait m’offenser
Ni ton innocence flirtant avec les
statues de sel !
Mais je connais déjà la réponse à ce
sujet,
Et sache que je n’accepterai aucune
autre plainte;
Si de l’enfer tu voulais rentrer en
terre sainte,
En évoquant mon pardon comme preuve
de bonté !
C’est ainsi que l’être engagé,
accepta son voyage
Dont il savait bien que jamais il ne
reviendrait.
Déchu, il tomba dans un monde vide
de partage,
Où la matière régnait sur la chair
emprisonnée.
Ignorant pourquoi le sombre ciel
l’avait expédié
Au cœur d’un empire barbare au sort
déjà scellé,
Il tenta sa chance en jetant dans un
lac glacé,
Ses clés d’anges qu’il avait su
subtilement garder.
La glace céda alors sous l’excès de
lumière argentée,
Laissant le métal atteindre le fond,
pour le faire trembler.
La terre sembla tousser, vomir et
enfin rejeter,
Ce qui du passé l’avait au plus
profond blessée.
Elle lui dit dans sa langue, que la
souffrance de ses enfants
L’avait révoltée si bien qu’elle
cracha son venin,
Polluant l’air et par la-même la
pensée des humains,
Au point de les rendre fous et les
priver de leurs dons.
Désormais, leur langue ne dira plus rien de ce que le son des mots,
abritaient de l'âme de la Terre.
La triste vengeance dont elle se
repentait maintenant,
Était l’augure d’un heureux jour, mais
à la condition
Que leur peine, ne ternisse plus
jamais leurs relations,
Et n’enterre les hommes-terre dans
leurs sombres ressentiments.
Mais l’Homme et la Terre ne
parlaient plus la même langue,
Et le miracle de les voir un jour,
ensemble parler,
Aurait comblé l’être engagé s’il
trouvait la Langue,
Que les dieux rieurs avaient par
simple jeu, égarée.
La clé des anges qui n’était plus
désormais la sienne,
Répondit à l’appel en offrant un
chant sensible
Aux douces mélodies subtiles ,et au
sens impossible
Qui pointa du feu et du doigt la
beauté souterraine.
Les dieux rirent beaucoup de
voir ce drôle de rebelle
Les défier, pour enfin réussir contre
tout destin,
Ce qu’aucun d’entre eux n’aurait
jamais atteint
Par peur, de le manquer et décevoir
l’Eternel.
Tandis que la terre et l’homme
célébraient leur mariage,
Le Très-haut décréta d’un sourire
complice d’amour,
Que la poésie serait le nom de ce
doux langage,
Qui sauva le monde et surprit le
ciel un peu sourd :
« Poète, mon très humble,
étonnant et vaillant ami,
Puisses-tu continuer à faire vibrer
les harpes de ton cœur sage,
Et Infini ».
Philippe Belardi, 2012.
Femme-Déesse
Clair-obscur,
Où te tiens-tu ?
Sinon à l'extrémité
du bord de notre existence !
Tu es l'indéchiffrable énigme,
Que notre vie affronte
Dans l'écoulement du temps
Et l'épuisement de nos sens.
Mais tu as inventé l'éternité
Pour que notre quête
Trouve l'espace désiré
De notre espérance.
Pourtant tel l'horizon
Qui recule à chacun de nos pas,
Nous avançons vers toi
sans la moindre réticence,
Alors que tu te joues de nous
Comme les dés
que tu lances,
entre nécessité et contingence.
Nous t'appartenons, Femme,
Eprouvant le moindre mouvement
de tes humeurs
Comme une lame qui pénètre notre Cœur.
Désir, Enivrement Ou Mystère,
Déesse vénérée ou terrifiante sorcière,
Tu es le premier mot
Que l'homme inventa avant de crier le nom
De Dieu,
Pour pleurer sa condition mortifère.
Insensible à nos cris comme à nos douleurs,
Le néant t'appartiendrait-il donc depuis
l'aube du monde ?
Sais-tu que l'Homme foule de ses pieds ta terre
Dans l'errance de ses interminables heures ?
Quand daigneras-tu
Entendre le chant des Héros,
De ces poètes qui risquent leur péril
Pour sauver l'Homme de l'énigme
Que tu leur dissimules, voilée ?
Pourquoi les rends-tu mortels
Quand ils te vénèrent,
Que tu les dévores comme tes propres enfants,
Quand le temps, ton désir, les soumet ?
Sache qu'un poète vient de se lever
Pour te faire accoucher de ton esprit rebelle.
Qu'il peut tout entendre
Si tu lui promets d'achever ce poème,
Que tu avais le jour d'avant le premier jour,
Décidé de commencer.
Philippe David Belardi. Février 2016.
Poésie.
Qui glisse sous mes sens,
Je te laisse me souffler tes mots.
Tu soulèves de tes lèvres
Que dois-je dire,
Ou répondre, aux assauts
Sur lesquelles ton regard
Posé, les fera toutes disparaître ?
Ou Sacrifice,
Que l'errance de mes artifices.
Des quatre coins du monde
Des contrées à conquérir,
Mais tu te retires d'elles,
Bâtir pour toi leurs citadelles.
Ne me quitte pas,
Philippe David Belardi. Février 2016.
Solitude
Dans l'errance d'une capture
Tes jours, se remplissent des appels au secours
De ceux qui ne sont plus très sûrs,
dissolus dans un passé obscur,
Tes actes sont tous désespérés.
aux vieilles paroles dures
De nos tragédies jamais consumées.
Oui, tu veux rallumer le feu barbare et le glaive lourd,
Pour que notre désir reste intact, pur,
Pourquoi nous renvoies-tu à notre petitesse, notre piètre allure,
Quand tu nous promets ta main, perchoir-vautour
Du premier chagrin, que ni toi ni personne n'empêchera de se répéter.
Philippe David Belardi, Mars 2016.
L'Orchidée de papier
Belle tige à l'audacieuse cambrure
Ta peau satin fait briller ta dorure.
Tes couleurs constellées, toutes éclatantes,
Pétillent dans la chaleur d'Août insolente.
Le soleil s'est pris pour une goutte de sang
Qui au coucher, s'est penché en tombant,
Sur ta robe blanche empourprée du vent
Qui leva ton voile jadis, innocent.
Ta soie devenue chimère de papier,
Réclama son seul parfum dérobé
Qui de la main agile et déguisée
Ne put rien te rendre, ni même remplacer.
Tu portes à présent sous ton doux manteau
Le poids de tes rêves et de tes fardeaux,
Tu scrutes le naufrage des papillons,
Privés d'un nectar passé, arrogant.
Tes souvenirs seront tes seuls désirs
Poussant dans un désert de sable mouvant
Et ton cœur a beau lutter contre le pire,
Ton voyage suivra le ciel et le vent.
Philippe David Belardi, 17 avril 2016.
Andalousie
Je t'aime Andalousie, quand ta belle âme
Porte en elle la fièvre et la jalousie,
De ces femmes qui n'avouent leur flamme
Qu'au bord de la mort ou de la folie.
Mélancolie, tu chantes pourtant l'espoir
D'une terre foulée par les minotaures noirs,
D'où s'échappent le secret et la magie
Chantant l'étreinte du Soleil et d'un doux pays.
Je t'aime Andalousie,
Quand tes guitares au corps de femme résonnent,
Soulèvent le sable du désert envoûtant
Qui abrite le désir brûlant de l'Homme,
D'un corps où se mêlent le Feu et le sang.
Je suis tes courbes, tes montagnes, tes vallées,
Je me sens vivant à chaque souffle volé,
Quand ton parfum ambré se laisse capté
Par le doux vent bleu ciel et rouge cendré.
Je t'aime Andalousie,
Mon chemin se glisse dans tes pas paisibles,
Me laissant l'horizon pour compagnon,
Et mes yeux, en quête de l'unique cible,
Dans l'immense infini, s'épuiseront.
Mes derniers mots iront à ton grand cœur,
Qui puise dans le sol fort et prometteur
Le message noble et pur de ta grandeur,
Lorsqu'en Mère, tu nous sauves tous du Malheur.
A Pascualina, mi madre.
Philippe David Belardi Zamora. Avril 2016.
Coquelicot
Ton rouge m’a saisi dans l’instant,
Ton éclat, ressuscitant mes sens,
Fêtait le retour de mes dix ans
Dans le regard de ton innocence.
Des fleurs, j’en avais vues et regardées,
Des splendides, des timides, des fanées,
Que j’avais bien souvent capturées
Pour leur bel et éphémère bouquet.
Mais pour toi, et je ne sais pourquoi,
Ma main ne s’est jamais égarée
Là où le regard à peine frôlait,
Tes pétales légers comme de la soie.
A chaque fois que je t’aperçois,
Seul, ou avec tes légions de joie,
Je redeviens cet enfant qui croit
Que rien de mal n’arrivera.
Car ta légèreté audacieuse
Ayant bravé tous les vents pernicieux
Et leurs pluies torrentielles insidieuses,
Annonce le beau temps, le ciel bleu.
Symbole, emblème de l’incandescence,
De l’espoir abritant l’innocence,
Tu agites de ta danse insolente,
Les Voiles de notre âme rugissantes.
Car tu les guides sur nos terres arides,
Quand abandonnées à ton sourire,
A ta candeur, elles échappent au Vide,
De l’amour absent, qui fait souffrir.
Tu connais mieux, bien mieux que personne,
L’écoulement infini du temps,
D’une seconde qui se retient, se donne,
Qu’à celui qui la désire et l’attend.
Quand le feu du temps s’est consumé,
Dans ta robe pourpre, tu as retenu,
Le sang de tous ceux qui t’ont regardé,
Et qui de ce bas monde, ne sont plus.
Mémoire sur Terre d’une fragilité
Que nous transportons dans notre chair,
La Beauté triomphe de l’Ephémère
Pour nous conter notre éternité.
Grâce à Toi,
Ce que je fus, ce que je serai,
Je l’ai vu dans ta simplicité,
Dans ta forme, que j’aurais pu rêver,
Comme un enfant, t’aurait dessiné.
Je suis Toi,
Un coquelicot seul,
Ou
accompagné,
Dans un champ oublié,
Au
bord d’une route fréquentée.
Au bout d’un chemin,
Au seuil de ma destinée.
Mais en
liberté.
Philippe David Belardi. Mai 2016.