dimanche 16 février 2014

LES FRAGMENTS DU REEL "Le Chant du Lys"


"La poésie n'a de sens que celui de chanter le Cri des mots".


LE CHANT DU LYS
                                        Les contes du « Voyageur de l’Ailleurs ».

Ces fragments du Réel content une histoire qui se répète inlassablement au gré du temps du monde. Le poète tel la césure temporelle, pourrait bien être celui qui est capable de reconstituer le puzzle du Réel fait de fragments de voyages : voyages qui proviennent tous de cet Ailleurs.

Fragment "un instant dans l'éternité"
  Le poète au gré de son voyage immobile, en transit dans un monde inconnu, provient de cet  Ailleurs. Cette terre où l’on cultive l’Intuition mêlée à l’imagination la plus fertile. Pourtant, telle une flamme sensible au vent et à ses tourments, il est une étincelle menacée qui recherche un abri pour faire taire les ravages de la nature rugissante. A l’abri, il contemple les lettres tombantes du ciel, tombées pour se poser là où ses pieds se poseront bientôt. La langue du poète est un défi  lancé au ciel pour lui signifier que son souffle, le Vent, a trouvé maintenant des voiles dans lesquelles il peut s’engouffrer. Ces voiles capables de  mouvoir et d’é-mouvoir  l’Homme.  Le poète, ce voyageur de l’Ailleurs, construit tel un charpentier le toit du langage, sous lequel bientôt l’Homme pourra trouver à son tour, refuge.  Combien de temps faudra-t-il à cette construction pour jaillir de la nature désirante ? Le temps que le Vent s’y arrête, le temps qu’il reprenne son souffle pour poursuivre sa course désirante.

Fragment  « La langue… la trace des dieux » 
La langue primordiale ne dépose pas dans le lit de l’Homme sa  « jouissance » qui ferait dépôt mais pose  ou appose sa marque, son sceau sur la chair profonde de l’Homme, la promesse d’un destin à découvrir afin qu’il puisse se révéler, se manifester. Ce dépôt fait coupure dans sa corporalité, coupure qui laisse une trace, comme un effluve traçant.
La poésie est ce filtre d’amour qui envoûte la langue pour qu’elle s’offre telle quelle à l’Homme, lui montrant ainsi les traces des dieux enfuis, à suivre. Cette langue s’offrant comme une bien aimée est le langage primordial fait Homme, et parce qu’il contient son énigme, il demeure patient et latent, comme pris dans un sommeil infini, mais pas sans rêves. Que sont alors ces rêves, de quelle étoffe sont-ils faits ? De ce qu’on appelle communément l’Emotion qui elle-même émane de l’émotion primordiale, qui n’est autre que la tonalité de la langue qui ouvre l’Homme au monde. Elle est la lettre « A » en guise d’étendard, « A » comme Absence, Abandon, Abondance,  A-mélancholie. Oui Amélancolie, car tel le jeu du miroir, elle nous parvient dans son reflet  sous la figure de la mélancolie, dans cet inversement des plans qu’opèrent les dimensions ontologiques sur les dimensions ontiques de l’Homme. Le poète est donc l’incarnation du charme, seule possibilité pour que l’Homme se détourne, comme il s’est une fois détourné de sa langue maternelle. Le charme est donc l'opération du retournement. Mais ce détour qui fait retour vers son point d'arrivée qui en est sa source, c’est le nom même de la poésie.

Fragment  « Désir »
C’est le nom du Voyage incessant du VENT qui souffle (qui souffle quoi ? Serions-nous en droit de nous demander), le logos, qui emporte avec lui tout ce qu’il a semé pour ouvrir aux autres mondes le destin comme passé des mondes précédents. Désir parce qu’elle est la force du vivant qui ne cherche pas un  point d’arrivée pour se satisfaire, même le temps d’un repos bien mérité, pour en faire un point de passage, de percée, de traversée. Oui l‘Homme porte en lui le lendemain des autres mondes qui attendent que le Vent leur apporte « un peu de l’Homme », des graines ou des semences qui feront les vendanges et les fêtes de leurs villages. L’Homme retarde les vendanges des autres contrées et le Vent revient à chaque fois bredouille de son voyage, plongeant les prétendants à l’offrande dans un désarroi consternant. Le poète, qui revient de cet ailleurs, leur a fait une promesse qui doit être tenue, sans quoi ce serait trahir le logos, péché des péchés, l’unique des pêchés : ne pas tenir sa promesse. C’est pourquoi le poète est l’ami préféré des enfants car les enfants savent que la poésie et les contes sont les vérités qui triomphent toujours du mensonge, de l’oubli, de l’oubli de l’oubli… Le poète est toujours celui qui ouvre la porte à celui qui est resté emprisonné derrière elle, derrière l’oubli de l’autre.

Fragment « Abandon »
Abandon ou Abondance, le signifiant dans son empreinte acoustique précaire trouve un point d’inflexion sinon de renversement dans lequel le sens semble lui-même s’inverser. Victoire du signifiant sur le signifié ou aide,  entraide entre les deux figures du signe ? Comment l’abandon pourrait porter dans sa matrice l’abondance ? Par quel paradoxe miraculeux, ce geste linguistique ô combien provocateur, pourrait bien s’avérer être prometteur pour l’Homme. ? Ce qui marque l’Homme  de son  sceau  dans sa chair profonde, que j’appellerai aussi Inconscient, est cette coupure, cette  séparation par laquelle s’inaugure la plus belle des promesses, celle du retour possible. Ce retour transforme par son mouvement même, l’être qui le parcourt. Figure de l’enfant prodigue, il est ce mouvement appartenant au registre du mélancolique, figure de proue de tout Art quand il se veut être ontologique, c’est-à-dire au plus près de ses racines, celles qui font que l’Homme s’élève jusqu’à son origine. Un déploiement qui coïncide parfaitement avec le paroxysme du retrait, un déploiement qui vise le repliement total, puisque les racines et les ailes représentent la courbe du cercle se refermant sur lui-même. Cercle comme enclos de l’Être de l’Homme, poésie comme sauvegarde de cet enclos, poésie aussi, comme relais possible entre les mondes. Mais le Monde contenant les mondes, n’est et ne sera jamais accessible à l’Homme. Le poète est ce qui sépare l’Homme du Monde.


Fragment « la coupure c’est le  faire-contact avec l’originel »
Plus qu’une coupure, un bord à franchir ou à s’affranchir, l’originel prend acte dans la chair de l’Homme par une béance abyssale : le vide surchargé d’Etre, quand ce dernier ne peut plus se tenir ou se contenir sur la surface de l’Homme au point d’offrir à ce dernier un « surplus d’être ». Surplus d’être qui place l’Homme sans cesse dans une non-coïncidence avec lui-même, creusant l’écart entre lui et lui-même (Lui), écart dans lequel s’engouffrent le mode de la représentation et la pensée réflexive. Surplus, débordement, surcharge qui causent « l’effondrement » par la béance de cet acte créateur, ayant inscrit  la naissance de la Vie en l’Homme. Cette béance est la coupure qui place l’Homme face  à cette chute vertigineuse implantée dans sa chair, devant laquelle sa pensée ne peut qu’éprouver que du vertige tandis que son corps, siège de la souffrance inconsciente et de la mélancolie, ressent cette inscription fondamentale qui lui parvient  par  l’extrémité de ses sens perceptifs. Coupure marquant l’acte magistral de séparation qui est sa naissance et l’abandon à lui-même. Abandon, qui contient cependant la promesse du retour, quand le temps se rempliera sur lui-même en rabattant l’horizon derrière Lui.
Amélancolie ! Crient les dieux comme un appel sourd qui tombe dans l’oreille du poète, quand le corps de l’Homme tremble encore de froid et d’effroi face à la distance infranchissable qui s’interpose,  entre  lui et lui-même. Abîme qui comporte néanmoins une « porte vers le saut » : la poésie en est la clé. Le saut, le grand saut est facile quand la porte est ouverte et que plus rien, ne peut la refermer : quand les lois de la gravitation s’inversent en lois de l’apesanteur…
                      Alors, le voyage vers l’Ailleurs peut enfin commencer.

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