dimanche 16 février 2014

L'HOMME EST LE TROISIEME TERME

Fragment « L’Homme est le troisième terme »
De Fragment « L’Homme est le troisième terme »

De cet Ailleurs, un drôle de message retentit comme provenant d’une cloche tintant d’un silence aigu, suspendue à un ciel vide. Entre la chair vivante et profonde (qui recèle la substance immanente c’est-à- dire la semence des dieux) et le Monde qui représente l’extériorité du dessein originel, l’Homme est le troisième terme. Troisième terme séparateur qui a pour mission de conforter la détriangulation, éloignant le Monde des dieux dans leurs polarité opposées ; L’épreuve artistique des dieux est un tryptique où la place centrale revient à l’Homme, non comme centre de la création mais comme frontière entre deux territoires, garantissant ainsi l’équilibre des forces en jeu. Le poète doit maintenir cet état de choses, sans quoi l’Homme outrepassant sa fonction pourrait bien la perdre. C’est pourquoi le poète sépare l’Homme du Monde mais qu’en est-il de celui qui sépare l’Homme de l’essence incarnée dans la chair profonde, prise dans son acception la plus intime : la matière brute et primordiale d’où peuvent se déployer tous les possibles et par là-même le destin de l’Homme ? Le poète des poètes, celui peut-être qu’un Von Kleist a tant désiré ou pressenti la venue ? D’où vient-il pour prétendre à ce rôle digne des plus grands dieux grecs, encore que lui aura le privilège de  desceller le sort et le destin de l’Homme, pour les remettre à leur unique finalité : faire que l’Homme finisse seul en recouvrant l’éternité, victoire triomphante qui comporte cependant un bémol. Devenant à son tour un dieu, il n’a plus à en rechercher un. La plénitude et la liberté ont un prix : celle de l’absolue solitude sans possible échappatoire. Le poète des poètes est aussi le dernier des poètes qui referme la seule porte qui faisait dire à l’Homme qu’un jour en l’ouvrant,  il découvrirait la Vérité sur son identité. Identité qui n’aura plus de sens, puisqu’elle sert à distinguer un être d’un autre quand l’Homme restera l’unique référent dans un univers réduit à sa mesure, à son échelle. Etalon de toute mesure, le cosmos sera sa simple demeure.

La poésie est l’oméga de l’alphabet, elle ne dit pas, elle clôt le langage pour le replier sur lui-même, abolissant le temps et l’existence dans un même geste. Les poètes peuvent retourner dans leur Ailleurs, terre en exil sans patrie, sans mission, sans prophète ni maître, attendant qu’un autre vent vienne les emporter vers d’autres contrées, d’autres formes vivantes à sauver, à sauver d’elles-mêmes. Les sauver quand elles se sont perdues dans la profondeur et l’obscurité du gouffre du langage. Le cri des mots alors retentit dans le chant du poète pour libérer la Langue du langage. L'Homme alors n'est plus aliéné par le langage dans lequel l'oubli de l'être s'était engouffré : libéré, il peut enfin renouer avec son propre Destin : l'Eternité.

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