vendredi 7 mars 2014

Fragment "Entendre le chant des sirènes"

Si le Réel parle, allons à la rencontre de sa voix. Partir à sa rencontre, c’est partir à la rencontre de son corps qui n’est autre que la surface de la chair mystérieuse. Ainsi peut-on dire à l’instar de Deleuze qu’il n’y a rien de plus profond que la peau. Ce n’est pas par le silence ou l’absence de pensée que l’on y parvient mais par le moyen de la langue que nous avons hérité en dépit de son altération. La poésie vient remonter le courant de cette altération, de  l’appauvrissement de notre Langue, pour pénétrer le corps jusqu’à la limite de la chair où s’efface le dernier mot devant la première lettre. Tout poète recherche à chanter le « A » mais comme il contient tous les sons et tous les chants, il ne peut être que silencieux. La voix du poète doit se résorber dans ce silence mélodieux. C’est en chantant qu’il peut entendre la réponse des sirènes, car son chant est un appel qui leur est destiné. Peut-être Ulysse l’ignorait-il, mais il était l’un des  plus grands poètes sans quoi ni Athéna, ni Circé, ni les sirènes, n’auraient pu succomber à son charme. Si la peur de rencontrer l’« A » mour dans sa traversée l’a conduit à més-entendre l’appel solennel, le poète peut trouver lui, le courage d’y répondre. Encore faut-il que son chant soit à la hauteur de leur réponse. L’Emotion primordiale doit faire vibrer les cordes de sa harpe vocale, cette émotion prête à souffler mais ensevelie sous le voile obscur de l’émotion qui la couvre. Quelle est donc cette émotion recouvrante, cette ombre de l’Emotion qui vient l’empêcher de retentir dans le ciel de l’existence ? La traversée de l’océan requiert de s’orienter à partir du ciel et de ses astres, qui la nuit tombée, suscite en nous l’une de nos plus belles émotions : le sublime. « Le jour est beau, la nuit est sublime » (Kant): Oui, cette chair profonde est la nuit dans laquelle notre inconscient préserve la lumière du jour naissant. Serions-nous sur la bonne piste, qui nous mènerait à la découverte de cette Emotion primordiale certes obscurcie par son ombre mais  où le sublime aurait son mot à dire ?

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