vendredi 7 mars 2014

Fragment "L'irruption du Réel".

Une musique, une Emotion, une pensée stupéfiante, un mot déchirant peuvent me faire quitter le monde, l’existence. Dans ce moment fulgurant, le Réel m’aspire, agit sur moi comme s’il avait mis en parenthèse, tous mes repères acquis au prix de longs et si douloureux efforts. Dans cette aspiration, je suis projeté dans une intériorité qui n’est pas tout à fait la mienne, dans quelque chose de plus grand que moi et qui cependant m’a toujours porté, soutenu. Cette irruption du Réel me fait sentir et toucher la surface du fondement, celle sur laquelle s’appuient l’existence et la temporalité pour se mouvoir ensemble dans leur danse ininterrompue. Irruption qui me ramène très vite à la Réalité mais qui peut m’ôter d’une manière irréversible à celle-ci, si l’Irruption fait choc. Ce choc s’opère quand le sujet n’est pas en mesure d’absorber cette irruption qui le place au moment de sa naissance. Car une re-naissance, cela se prépare. C’est d’ailleurs la fonction de l’Art, celle de faire renaitre l’Homme à lui-même. L’Art est un médiateur, un pont vers le Réel. Ce pont, il faut savoir le parcourir. L’Art et son mouvement, la créativité, sont un savoir qui peuvent-être transmis jusqu’à un certain point. Car le pont s’achève sur un point d’orgue, un moment de suspension inouï, une épochè qui ressemble au cercle magique du mage dans lequel on rentre et d’où l’on ne peut plus jamais ressortir. La science (la transmission du savoir) alors épouse l’Art dans une connivence qui symbolise le chemin (méthode) à suivre pour aller à la rencontre du Réel. Le Réel est omniprésent, omniscient, mais exige de notre part le premier pas. Le mouvement qui l’impulse est la créativité, qui est plus un pas sur le côté qu’un pas en avant ou en arrière. Il est l’acte de se décaler, pour ne plus être dans l’axe de la répétition et du courant mondain qui anime l’existence. Ce décalage marque la première solitude qui préfigure celle qui sera la plus intense, la grande épochè, celle d’avant-le-Réel, celle qui fit dire à la figure symbolique de la rédemption : « Père pourquoi m’as-tu abandonné ». L’Abandon qui annonce l’abondance est l’authentique solitude, celle qu’a pressentie peut-être Cioran, quand il affirme : « le seul devoir d’un homme seul c’est d’être encore plus seul ». L’Art dans son mouvement créatif exige cette disposition, cette ouverture au Réel pour créer ce que l’Homme sera à même de redécouvrir le jour de sa renaissance.

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