jeudi 28 janvier 2016

Fragment l'Homo emotionnal





   L'Homme est avant tout émotionnal, au sens ontologique du terme puisque sa structure fondamentale l'assigne à être au monde dans un rapport émotionnel. Cette formule est à rapprocher des existentiaux qu'Heidegger a formulés pour désigner la structure ontologique du Dasein. L'article "coupure, espace et temps" introduit en partie ce thème qui aborde le destin pulsionnal de l'Homme qui entre en rapport avec une extériorité depuis le lieu de son intériorité.


Sa corporéité est fondamentalement assignée à l'Emotion qui l'anime et qui lui ouvre le Monde grâce à une temporalité dont le substrat est une émotion : une tonalité affective. En ce sens, la tonalité affective projette le sujet dans un monde assujetti à l'extase émotionnelle. De même, le retour qui suit cette projection modifie la tonalité affective pour recomposer le monde, et ainsi de suite... Ainsi, cette chaîne de projections émotionnelles et de "retours" que ces projections  font subir au sujet éprouvant, soutiennent sa relation objectale en la recomposant à chaque instant. Si les émotions peuvent varier, nous avons soutenu la thèse qu'une émotion primordiale doit présider à toutes celles qui en seraient les déclinaisons. Car chaque déclinaison émotionnelle sert certes à adapter le sujet au monde mais aussi à modifier le monde en vue de faire é-prouver le sujet, c'est-à-dire le conduire à faire l'épreuve et donner la preuve de son appartenance à une émotion qui le constitue dans son entièreté. La difficulté est de toucher du doigt cette tonalité fondamentale à partir de laquelle nous pouvons entrevoir celle qui au Commencement a animé la matière inerte, l'homme encore privé du souffle de vie, avant qu'il n'entre en contact avec son corps-matière.


Nous avions fait la distinction entre l'animal et l'homme dans le type de temporalité qui les conditionne, de même que les différentes émotions qui leur sont dédiées. Nous avions évoqué le fait que l'aliénation de l'homme à son semblable, puis au langage mondain, l'a conduit à faire dériver son émotion primordiale (que nous n'avons pas encore annoncée pour l'instant) en  joie, tristesse, fierté, dégoût, mélancolie ou ennui tandis que l'animal oscillait entre la colère et le calme.
Une manière de rechercher l'émotion originaire est de questionner le rapport de l'homme au temps et plus précisément à la source du temps. L'idée serait que le temps puisse faire-retour sans que l'émotion lui soit associée, afin qu'il soit mise à nu, rendu transparent à notre vue, et que cela nous donne un premier aperçu de la première émotion qui aurait pu s'y déposer pour sceller une alliance inaltérable avec lui. Car nous devons avancer en axiome, ou hypothèse de recherche, à ce stade de notre enquête, que le temps est un être en devenir ou plus exactement l'être en devenir qui s'appuie sur l'homme pour réaliser ses projets.
D'autre part, nous avons avancé que le temps se décompose en phases de discontinuité et de continuité, dont l'intervalle est une coupure, un passage abyssal,  pour affirmer que celui-ci n'est autre que l'Homme.
Nous retrouvons cette configuration temporelle dans la structure psychique et somatique de l'homme pour qui l'inconscient figure la continuité et le conscient la discontinuité. C'est la raison pour laquelle la coupure entre l'inconscient et le conscient est radicale pour Freud comme pour Lacan. L'analyse se heurte en effet à cette différente de modalité temporelle qui est amplifiée par le mur du langage qui créé une distorsion entre ces deux mondes où le temps agit différemment. Si l'homme est un passage entre deux régions  de l'Être, de même par analogie, le lieu qui se situerait entre l'inconscient et le conscient (dans une topique épurée du moi, du ça ou du surmoi pour rendre plus compréhensible notre approche) est le lieu du Désir ontologique. Lieu qui se situerait au carrefour des vents par lesquels le logos souffle et oriente les devenirs possibles des mondes à venir. Car la continuité du temps (Aïon) qui souffle dans l'Inconscient (ontologique) est l'ensemble des virtualités et possibles qui cherchent à se réaliser en vertu des possibilités de l'homme qui œuvre à modifier son monde. Le vent qui souffle dans le conscient  (ontologique) sous le mode temporal de la discontinuité, est la matière qui résiste à l'émergence de virtualités et qui les détournent (plus qu'elle ne les retournent) de leur visée. L'homme est donc le lieu de ces échanges ontologiques où la Vie et la matière peuvent se réunir dans des noces passagères et mouvementées. L'homme est bien ce "toujours-possible évènement à venir" et ne peut que contenir ou retenir ce flux ontologique pour éprouver la matière qui le repousse tout en l'attirant. En ce sens, l'Homme n'est que le jeu voire le jouet de forces qui le dépassent, le traversent (à l'instar de Schopenhauer...), mais les traces qu'elles inscrit dans son corps ou sa chair invisible, présagent d'un destin qui lui est aussi promis.

Pour le dire autrement, il s'agit de pulsion ontologique et c'est pourquoi le rapprochement entre la philosophie (métaphysique et métapoïetique) et la psychanalyse nous éclaire un peu mieux sur l'homme prisonnier d'une structure ontico-ontologique où le temps, l'espace et l'émotion vont constituer la triade  et le canevas autour desquels l'ÊTRE dans son unité, sa multiplicité et son devenir, va coudre de sa main habile et invisible, le patron, le modèle, le pattern de sa destinée.















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