mardi 12 janvier 2016

Les poèmes sont des flèches lancées vers le ciel. Parfois certaines d'entre elles, bien que très rares, diffèrent leur retombée . Cet espace qui rencontre le temps et modifie l'instant de leur chute, nous laisse à penser que leur retour ne se fera pas sans retentissement.


                                                                      La Nuit




Faut-il qu’il y ait toujours des rythmes, des syllabes et des secondes,

Pour que le monde enfin me réponde ?

Quand mes questions frappent à sa porte sans qu’il daigne entendre,

Que derrière le bois imposant de sa porte scellée,

Les verres chauds s’entrechoquent dans le rire de ses invités ?

Mais la nuit était si claire et ses étoiles de si bonne humeur,

Que je les regardai depuis leurs pieds d’estales pour tenter de les attraper.

Plus éloignées qu’un monde imaginaire, 
Plus proches que ma poitrine sur mon cœur,

C’est sans peur que je pris dans mes doigts la première, 
Qui tomba à mes souliers.


Leur plainte se mit alors à résonner,
Pour guider mes pas timides vers elles,

Éclairant de leur lumière, la plus fidèle,  
Les détours sinueux de leurs sentiers.


Car ce soir la chance m’avait invité à  rejoindre le Ciel,

A pourfendre l’immense espace qui échappe au passé

D’un monde encore à sa fête, et pourtant déjà oublié.

                                                                 
Philippe Belardi, Nuit, 2012.











Nos deux mains



Tout près de la cheminée défaillante, les bois de chênes fondaient

Dans le rythme lent des flammes vacillantes aux  cendres rouges orangées.

Calme,  je me reposais dans l’épaisseur d’un fauteuil de flanelle,

Quand ma main dans la sienne s’abandonnait  dans son étau charnel.

Je la laissais quitter mon corps afin qu’elle ne m’appartienne plus,

Et danse  dans une autre au rythme immobile d’un silence étendu.


C’est pourtant  de leurs formes familières, que jaillit une inconnue

Qui me fit d’un coup découvrir le monde que j’avais  aperçu.

Ecrin  de velours pour deux âmes, lassées de trop longs  voyages,

Qui dans  le rose satiné retardaient  leurs inexorables naufrages,

Trouvèrent  refuge dans la chair partagée de deux mains enlacées.


Providence terrestre au cœur d’un désert évidé,

Les âmes y déposèrent l’Amour
qu’elles avaient patiemment transporté.


Il y a des évènements que le  Ciel ne peut ignorer

Quand il  succombe,  à la beauté de ce qu’il  a  créé.

Ce soir, tout près de la cheminée éclatante, il contemplait

L’innocence de deux mains offrant le spectacle le plus insensé.

                                                             
  Philippe Belardi. 2012.






Les Formes qui ne parlaient pas.



J’aime les formes qui ne parlent pas,

Quand la lumière  dépose sur leur surface,

La promesse d’un espace, la découverte d’une trace.


Quand le prodige du reflet, la donation du miroir,

Me donnent à voir le Monde

Dans son plus minuscule détail,

Ou que dans sa moindre faille,

Me font apercevoir dans leur pénombre

Les prémisses du chemin vers le Grand soir.


J’aime les formes qui ne parlent pas.

Dieux cachés ou enfouis sous  la poussière,

Le souvenir atteste dans l’éclat de sa lumière

Le rêve insensé de vous retrouver tous  ici-bas.


Si votre silence est l’espace dans lequel vous parlez,

J’irai écouter dans les profondeurs du vide et de l’absence,

Suivrai le moindre petit indice, votre moindre défaillance,

Pour vous faire sortir de votre cachette, de votre Palais.


J’aime les formes qui ne parlent pas.


Et dans le plus minuscule reflet du monde,

Dans le plus insignifiant de ses éclats,

J’ai vu  que dans le jeu de vos ombres,

Dans l’infime trace de vos pas,

Toutes,  vous m'attendiez.

                             
    Philippe Belardi,    9 Mai 2013











Songe



Par les souvenirs qui traversaient les âges,

J’aperçu dans l’espace blanc d’une seule page,

Une forme qui dans sa pure transparence,

Fît naitre devant moi  le premier silence.


Tous mes sens captés par le mystère

Se détachaient de ma chair libérée,

Plus légers qu’une aile voyageant dans l’air,

Quittant le sol  sans vouloir rien emporter.


Dissous dans l’espace blanc de ce silence,

Mélangé dans les couleurs du passé,

Le mouvement prit dans sa force  intense,

Le dernier souffle qu’en Moi je retenais.


La lumière blanche traversa la seule page

Que l’existence, avait cru laissée vierge,

Pressée de rejoindre au plus vite la berge,

Pour fuir le tourment  de ses  grands ravages.


Mais quelque chose restait pourtant  présent,

Portant la marque de l’étrange filagramme,

Sur la  délicate page  emprisonnant

Le fossile de l’homme, et de sa pauvre âme.


Je tentais vainement de les libérer

De leur étrange sanctuaire de papier,

Mais une douce voix me dit que c’est le Temps

Qui les figea dans un acte consentant.


C’est ainsi que par le jeu du  hasard,

L’existence soumise  aux  caprices du  temps,

Et au désir éternel  de son regard,

Fit de l’Art
son éternel présent.

                                                                     
    Le Songe, Philippe Belardi, 2012.















L’Eldorado



C’est Transi de froid, que je trainais mes pauvres pas

Sur des chemins glacés privés d’équilibre,

Laissant  mes pieds inquiets  perdus dans l’embarras,

Sans l’aide d’un guide qu’ils auraient pu suivre.


Destinés à risquer les immenses précipices,

A me perdre dans le sombre des grandes verticales,

Je n’espérais plus rien à moins que ne se brise,

Mon corps fatigué sur les rochers de cristal.


Mais à caresser le reposant  froid des banquises,

A Retarder le pâle cortège de ses hantises,

La cassure tomba  nette sur ma nuque frêle,

Comme le  couperet qui s'abat sur la dentelle.


Mais le ciel horrifié m’offrit une seconde chance,

            M’éloignant des faux-séduisants et  rassurants sentiers,

Qui  ne méritaient ni respect ni obéissance,

A l’égard  des tristes hommes qui les avaient tracés.


Sans crainte je coupai à travers champs, pour rejoindre

Les hautes montagnes aux cimes flottantes, blondes et  colorées.

Prenant congé de mes derniers doutes  évaporés,

C'est dans la lumière frémissante d’un soleil à peindre

Que je découvrais l'espace doré
Des toiles de lin au parfum de vahiné.

                                                                                                 
                                                                      Philippe Belardi, 2012.













Le Poète



Vous a-t-on parlé, de cet être indéfinissable

Exilé aux confins des espaces les plus reculés,

Purgeant en solitaire la peine à perpétuité

Qu’il avait sollicitée pour sauver son semblable ?


Qu’à cela ne tienne lui rétorquait la voix du ciel,

Si tu veux réussir là où j’ai par deux fois échoué.

Ce n’est pas ta prétention qui pourrait m’offenser

Ni ton innocence flirtant avec les statues de sel !


Mais je connais déjà la réponse à ce sujet,

Et sache que je n’accepterai aucune autre plainte;

Si de l’enfer tu voulais rentrer en terre sainte,

En évoquant mon pardon comme preuve de bonté !


C’est ainsi que l’être engagé, accepta son voyage

Dont il savait bien que jamais il ne reviendrait.

Déchu, il tomba dans un monde vide de partage,

Où la matière régnait sur la chair emprisonnée.


Ignorant pourquoi le sombre ciel l’avait expédié

Au cœur d’un empire barbare au sort déjà scellé,

Il tenta sa chance en jetant dans un lac glacé,

Ses clés d’anges qu’il avait su subtilement garder.

La glace céda alors sous l’excès de lumière argentée,

Laissant le métal atteindre le fond, pour le faire trembler.


La terre sembla tousser, vomir et enfin rejeter,

Ce qui du passé l’avait au plus profond blessée.

Elle lui dit dans sa langue, que la souffrance de ses enfants

L’avait révoltée si bien qu’elle cracha son venin,

Polluant l’air et par la-même la pensée des humains,

Au point de les rendre fous et les priver de leurs dons.

Désormais, leur langue ne dira plus rien de ce que le son des mots,
                                                               abritaient de l'âme de la Terre.


La triste vengeance dont elle se repentait maintenant,

Était l’augure d’un heureux jour,  mais à la condition

Que leur peine, ne ternisse plus jamais leurs relations,

Et n’enterre les hommes-terre dans leurs sombres ressentiments.


Mais l’Homme et la Terre ne parlaient plus la même langue,

Et le miracle de les voir un jour, ensemble parler,

Aurait comblé l’être engagé s’il trouvait la Langue,

Que les dieux rieurs avaient par simple jeu, égarée.


La clé des anges qui n’était plus désormais la sienne,

Répondit à l’appel en offrant un chant sensible

Aux douces mélodies subtiles ,et au sens impossible

Qui pointa du feu et du doigt la beauté souterraine.


Les dieux  rirent beaucoup de  voir ce drôle de rebelle

Les défier, pour enfin réussir contre tout destin,

Ce qu’aucun d’entre eux n’aurait  jamais atteint

Par peur, de le manquer et décevoir l’Eternel.


Tandis que la terre et l’homme célébraient leur mariage,

Le Très-haut décréta d’un sourire complice d’amour,

Que la poésie serait le nom de ce doux langage,

Qui sauva le monde et surprit le ciel un peu sourd :

«  Poète, mon très humble, étonnant et vaillant ami, 

Puisses-tu continuer à faire vibrer les harpes de ton cœur sage,

 Et Infini  ».

                                                              
Philippe Belardi, 2012.


Femme-Déesse 

Clair-obscur,
Où te tiens-tu ?
Sinon à  l'extrémité
du bord de notre existence !

Tu es l'indéchiffrable énigme,
Que notre vie affronte
Dans l'écoulement du temps
Et l'épuisement de nos sens.

Mais tu as inventé l'éternité
Pour que notre quête
Trouve l'espace désiré 
De notre espérance.

Pourtant tel l'horizon 
Qui recule à chacun de nos pas,
Nous avançons vers toi
 sans la moindre réticence,

Alors que tu te joues de nous
Comme les dés
que tu lances,
entre nécessité et contingence.

Nous t'appartenons, Femme,
Eprouvant le moindre mouvement
de tes humeurs
Comme une lame qui pénètre notre Cœur.

Désir, Enivrement Ou Mystère,
Déesse vénérée ou terrifiante sorcière,
Tu es le premier mot 
Que l'homme inventa avant de crier le nom  
  De Dieu,
Pour pleurer sa condition mortifère.

Insensible à nos cris comme à nos douleurs,
Le néant t'appartiendrait-il donc depuis 
l'aube du monde ? 
Sais-tu que l'Homme foule de ses pieds ta terre
Dans l'errance de ses interminables heures ?

Quand daigneras-tu
Entendre le chant des Héros,
De ces poètes qui risquent leur péril
Pour sauver l'Homme de l'énigme 
Que tu leur dissimules, voilée ?

Pourquoi les rends-tu mortels
Quand ils te vénèrent,
Que tu les dévores comme tes propres enfants,
Quand le temps, ton désir, les soumet ?

Sache qu'un poète vient de se lever
Pour te faire accoucher de ton esprit rebelle.
Qu'il peut tout entendre
Si tu lui promets d'achever ce poème,
Que tu avais le jour d'avant le premier jour,
Décidé de commencer.



Philippe David Belardi. Février 2016.


Poésie.



Chant du silence
Qui glisse sous mes sens,
Je te laisse me souffler tes mots.


Brise indicible,
Tu soulèves de tes lèvres
Un souffle chaud.


Que dois-je dire,
Ou répondre, aux assauts
De ta  langue muette ?


Ecrire des lettres
Sur lesquelles ton regard
Posé, les fera toutes disparaître ?


Remerciement,
Ou Sacrifice,
Je ne connaîtrai de toi
Que l'errance de mes artifices.


Ton vent me souffle
Des quatre coins du monde
Des contrées à conquérir,


Mais tu te retires d'elles,
Dès que je veux
Bâtir pour toi leurs citadelles.


Or ta voix
Ne me quitte pas,
Et je sais
Qu'elle me portera
Jusqu'à toi,
Au moment
Même où tu choisiras,
Dans l'entre-deux monde,
Par ta bouche,
Ce qui nous séparera.



Philippe David Belardi. Février 2016.




Solitude


Tu rôdes depuis toujours
Dans l'errance d'une capture
A sacrifier.

Tes jours, se remplissent des appels au secours
De ceux qui ne sont plus très sûrs,
D'exister.

Vestige  des amours,
dissolus dans un passé obscur,
Tes actes sont tous désespérés.

Car tu nous rends sourd
aux vieilles paroles dures
De nos tragédies jamais consumées.

Oui, tu veux rallumer le feu barbare et le glaive lourd,
Pour que notre désir reste intact, pur,
Amnésique et libéré.


Solitude, 
Pourquoi nous renvoies-tu à notre petitesse, notre piètre allure,
Quand tu nous promets ta main, perchoir-vautour
Du premier chagrin, que ni toi ni personne n'empêchera de se répéter.

Philippe David Belardi, Mars 2016.

L'Orchidée de papier


Belle tige à l'audacieuse cambrure
Ta peau satin fait briller ta dorure.
Tes couleurs constellées, toutes éclatantes,
Pétillent dans la chaleur d'Août insolente.


Le soleil s'est pris pour une goutte de sang
Qui au coucher, s'est penché en tombant,   
Sur ta robe blanche empourprée du vent
Qui leva  ton voile jadis, innocent.


Ta soie devenue chimère de  papier,
Réclama son seul parfum dérobé
Qui de la main agile et déguisée
Ne put rien te rendre, ni même remplacer.


Tu portes à présent sous ton doux manteau
Le poids de tes rêves et de tes fardeaux,
Tu scrutes le naufrage des papillons,
Privés d'un nectar passé, arrogant.


Tes souvenirs seront tes seuls désirs
  Poussant dans un désert de sable mouvant
Et ton cœur a beau lutter contre le pire,
Ton voyage suivra le ciel et le vent.


Philippe David Belardi, 17 avril 2016.



Andalousie





Je t'aime Andalousie, quand  ta belle âme
Porte en elle la fièvre et la jalousie,
De ces femmes qui n'avouent leur flamme
Qu'au bord de la mort ou de la folie.




Mélancolie, tu chantes pourtant l'espoir 
D'une terre foulée par les minotaures noirs,
D'où s'échappent le secret et la magie
Chantant l'étreinte du Soleil et d'un doux pays.




Je t'aime Andalousie,
Quand tes guitares au corps de femme résonnent,
Soulèvent le sable du désert envoûtant
Qui abrite le désir brûlant de l'Homme,
D'un corps où se mêlent le Feu et le sang.




Je suis tes courbes, tes montagnes, tes vallées,
Je me sens vivant à chaque souffle volé,
Quand ton parfum ambré se laisse capté
Par le doux vent bleu ciel et rouge cendré.




Je t'aime Andalousie,
Mon chemin se glisse dans tes pas paisibles,
Me laissant l'horizon pour compagnon,
Et mes yeux, en quête de l'unique cible,
Dans l'immense infini, s'épuiseront.




Mes derniers mots iront à ton grand cœur,
Qui puise dans le sol fort et prometteur
Le message noble et pur de ta grandeur,
Lorsqu'en Mère, tu nous sauves tous du Malheur.




A Pascualina, mi madre.




                                               Philippe David Belardi Zamora. Avril 2016.










Coquelicot




Ton rouge m’a saisi  dans l’instant,


Ton éclat, ressuscitant mes sens,  


Fêtait le retour de mes dix ans


Dans le regard de ton innocence.




Des fleurs, j’en avais vues et regardées,


Des splendides, des timides, des fanées,


Que j’avais bien souvent capturées


Pour leur bel et  éphémère bouquet.  




Mais pour toi, et je ne sais pourquoi,


Ma main ne s’est jamais égarée


Là où le regard à peine frôlait,


Tes pétales légers comme de la soie.




A chaque fois que je t’aperçois,


Seul, ou avec tes légions de joie,


Je redeviens cet enfant qui croit


Que rien de mal n’arrivera.




Car ta légèreté audacieuse


Ayant bravé tous les vents pernicieux


Et leurs pluies torrentielles insidieuses,


Annonce le beau temps, le ciel bleu.




Symbole, emblème de l’incandescence,  


De l’espoir abritant l’innocence,


Tu agites de ta danse  insolente,


Les Voiles de notre âme rugissantes.




Car tu les guides sur nos terres arides,


Quand abandonnées à ton sourire,


A ta candeur, elles échappent au Vide,   


De l’amour absent, qui fait souffrir.




Tu connais mieux, bien mieux que personne,


L’écoulement infini du temps,


D’une seconde qui se retient, se donne,  


Qu’à celui qui la désire et l’attend.




Quand le feu du temps s’est consumé,


Dans ta robe pourpre, tu as retenu,


Le sang de tous ceux qui t’ont regardé,


Et qui de ce bas monde, ne sont plus.




Mémoire sur Terre d’une fragilité


Que nous transportons dans notre chair,


La Beauté triomphe de l’Ephémère


Pour nous conter notre éternité.




Grâce à Toi,


Ce que je fus, ce que je serai,  


Je l’ai vu dans ta simplicité,


Dans ta forme, que j’aurais pu rêver,


Comme un enfant, t’aurait dessiné.




Je suis Toi,


Un coquelicot seul,


Ou accompagné,


Dans un champ oublié,


Au bord d’une route fréquentée.


Au bout d’un chemin,


Au seuil de ma destinée.


      Mais en liberté.




                                                       


                                                             Philippe David Belardi. Mai 2016.













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